lundi 9 juin 2008

Ainsi donc on a trouvé des pesticides dans les vins !
Ce qui eût été étonnant, c'est que les cherchant, on en trouvât point !

En effet depuis l'après guerre, le paysan français est passé du statut de cultivateur comme on disait alors à celui d'exploitant comme on dit aujourd'hui.
Ceci peut sembler anodin, mais c'est lourd de sens. Ce n'est pas que pure rhétorique, dans cultivateur il y a "culture", il y a une notion d'échange et de lien charnel entre l'homme et "sa" terre.
Dans exploitant, il y a "exploiter" et d'exploitant à exploiteur il n'y a pas loin.
Devenant exploitant, le paysan s'est gonflé de cupidité au même rythme que son esprit s'est appauvri, oubliant ses acquis, son ancestrale expérience de la nature, son bon sens paysan, au profit de compétences transférées aux techniciens de tous poils, marchands de bonheur à court terme et de malheurs pour plus tard.

La viticulture comme toute l'agriculture s'est considérablement embourgeoisée, cédant aux sirènes de l'agrochimie pour ménager sa peine et augmenter ses profits.
Que de molécules chimiques toutes plus miraculeuses les unes que les autres et prétendues indispensables n'avons-nous pas utilisées ?
Nous avons cédé aux puissances commerciales, à la facilité et nous en sommes aujourd'hui coupables.
Il est temps que les consciences s'éveillent, il est temps de reconnaître que ce qui fait que la nature s'équilibre sur notre terre, dans nos vignes est fondamental et fragile !
En Bourgogne, le désert n'existe pas, terre – eau - lumière donnent naissance à la vie: micro-organismes, plantes, insectes etc. ... animaux petits et grands ... homme...
Ce dernier utilisant abondamment des herbicides, détruit les premiers sans lesquels les suivants ne peuvent survivre jusqu'au jour ou il se rend compte qu'il se met lui même en danger. Mais avant cela, le mal court et devient quelquefois irrémédiable.
Si l'on peut sérieusement penser qu'il suffit de changer nos pratiques pour épurer nos vins, nous laissons dès maintenant à nos enfants des eaux polluées de pesticides pour beaucoup plus longtemps.

Pourquoi ce qui était autrefois fait à la main et avec l'aide du cheval ne serait pas possible avec des tracteurs qui bien que polluants n'ont pas l'effet dévastateur de la chimie ? Labourons modérément, cultivons la terre !
Bien sûr c'est possible techniquement mais pratiquement, c'est plus difficile. Le vigneron que je suis, souhaitant encourager au maximum la richesse botanique et donc la diversité biologique dans ses vignes doit affronter les foudres de certains confrères, les réprimandes et les menaces (de perdre l'AOC) de l'INAO, sans parler des reproches des propriétaires qui pensent qu'enherbé, leur patrimoine est en péril: s'ils savaient ...!


Tous ces gens ne supportent pas la présence d'herbe dans les vignes et même si la tolérance a fait des progrès indiscutables, ce n'est pas suffisant.
Il faut changer la norme, il faut savoir prendre les risques que nous impose une approche écologique de notre métier nous en avons les moyens.
Les meilleurs d'entre-nous sont dans cette démarche, il faut que tous les autres suivent !
Ne parlons pas de Biologie, terme galvaudé, récupéré par le marketing, mais je veux une nouvelle fois saluer les pionniers de la viticulture biologique et de la biodynamie, nous leur devons d'avoir pris conscience avant d'autres et surtout avant les analyses que nous mettions la planète en danger.
Ils ont pris des risques eux, mais pour eux seuls, ont payé cher leur engagement et c'est grâce à leurs expériences que nous pouvons avancer aujourd'hui sur leurs traces et à moindres frais.

Alors allons-y et sans perdre plus de temps, bannissons définitivement les herbicides chimiques de nos vignobles, nous n'en avons pas besoin et réfléchissons, en même temps que nous observons les effets bienfaiteurs et naturels du retour des plantes adventices, à limiter puis à arrêter les intrants chimiques.
C'est possible, c'est une autre conception de notre métier, Ô combien valorisante pour le vigneron qui redevient cultivateur, recouvre ses compétences et sa liberté de penser et d'agir, Ô combien salutaire pour le consommateur et donc nécessaire pour la sauvegarde de notre métier déjà bien diabolisé, ce beau métier par ces dérives longtemps commises, à coup sûr en danger !


Jean Yves Devevey.