mercredi 27 mars 2013

J'ai raté le grand chelem.

 

L’organisme vient de m’envoyer les conclusions de son jury de dégustation sur des échantillons prélevés chez moi pour : je cite l’objet : contrôles « produits ».

Je dis l’organisme, parce que je n’ose pas le nommer par son vrai nom, de peur des représailles. Quand on travaille ses vignes avec de l’herbe mieux vaut ne pas trop titiller le pouvoir de répression.
                                                                   


L’organisme disais-je, viens de m’envoyer un joli courrier, pas de menace cette fois et même écrit sans faute d’orthographe...

On me précise bien que mes lots de vins (deux vins blancs) « ont étés soumis à des examens organoleptiques et ont été jugés conformes ». Qu’il ne s’agit pas d’un agrément, mais d’un résultat de contrôle !!!

Donc si je comprends bien il s’agissait pour le jury de juger de la conformité de mes vins avec l’appellation que je revendique pour eux, mais pas de les agréer dans l’appellation, l’agrément d’antan ça n’existe plus, aujourd’hui on contrôle, on évalue.

Bon moi je n’ai jamais  aimé les notes, les évaluations alors j’aurais tendance à m’en …  mais bon je me dis qu’il faut voir dans le détail :

Premier vin, sept avis favorables, zéro avis défavorable ! Whoua !!! vin sur vin ! Oui je sais c’est facile.
Deuxième vin,  huit avis favorables, un avis défavorable ! Tiens je m’dis qu’il y en a un ou une qui n’a pas aimé et je m’interroge.

Il n’est pas question d’aimer ou pas puisqu’il est seulement question de savoir si mon vin est conforme ou non.

Huit jurés disent : « conforme » le neuvième juré dit « non-conforme » !
On m’aurait dit cinq contre quatre, ou trois contre trois et trois abstentions (non ça c’est pas possible) mais quelque chose d’équilibré quoi, même sept contre deux, admettons ! Mais là avouez que c’est bizarre.

Que s’est-il passé dans sa tête de juré… seul contre huit ?

- C’est peut-être qu’il ne connaissait pas les critères de conformité, ou qu’il pensait déguster des grands crus ?

- Ou alors Saturne lui a fait le coup de la panne, c’était son premier vin, pas le temps de s’aviner les papilles encore toutes enduites de dentifrice et hop : passé à côté ?

- Ou encore, comme c’est un vin blanc, il a comme tous mes vins blancs, des petites notes amères et le neuvième juré n’a pas supporté. Parce que le neuvième juré, il suit à la lettre ce qu’on lui a appris au stage obligatoire pour être juré ; les amers dans les vins : c’est un défaut ! (c’est ce dont on a essayé de me convaincre quand j’ai fait le stage, du coup je n’ai jamais été aux dégustations), en effet je pense que les amers sont nécessaires à la sapidité du vin.

- Le  neuvième juré, c’est un collègue qui en a ras le bol qu’on lui recale ses vins aux dégustations alors il y va et il retoque tout ce qu’il goûte.

- Ou alors tout simplement, le neuvième juré, sa journée a mal commencé ce matin là, il s’est levé du mauvais pied, tout le fait ch… ça a commencé dès le matin, le siphon de la douche était bouché, le filtre de la cafetière aussi, il s’est coincé les doigts dans cette p… de serrure de portail et pour finir la batterie de la bagnole était à plat. Comment on peut déguster après ça ? Bref, c’était pas son jour !

- Ou bien le neuvième juré, il est arrivé déguster avec une chique carabinée qui a failli l’empêcher de venir, mais bon il tenait à venir quand même quand on s’engage on s’engage !  Quand il a goûté mon Hautes Côtes à 3.22 de pH malo faite… ça te lui collé un violent coup dans la gencive… la chique a pété... et ça lui a pourri le bec. 

Bon en tout cas, il avait sans doute une bonne raison le neuvième juré, je ne peux pas lui en vouloir quoi !

 En attendant, j’ai raté le grand chelem !

Alors dans sa grande précision protocolaire, l’organisme me propose la chose suivante dans le cadre au-dessous des mentions des résultats des examens organoleptiques:

« Merci d’indiquer ici vos observations ainsi que d’éventuelles mesures correctrices ou correctives. Vous pouvez également faire une demande de recours. Si elle est acceptée, nous vous demandons de nous ramener les 3 des 4 échantillons laissés dans votre structure (le 4ème doit être conservé jusqu’au résultat du contrôle). Vous pouvez ne faire qu’une seule demande de recours. »

!!!!!!

Non, j’en reste là, je ne demande pas de recours pour avoir l’unanimité, 8/9 c’est pas mal pour un cancre !

 

 

samedi 23 mars 2013

l'Françouais à Dijon la belle diguedi...


François est venu nous rendre visite, (le Président, pas le Pape), à Dijon chez l’autre François (le maire de Dijon, pas le Pape).

A Dijon, le seul Pape qu’il eût pu rencontrer eût été celui des escargots et cela aurait pu donner lieu à quelques échanges colorés.

Le pape des escargots, il n’a pas la télé, mais il sait tout sur tout, il « traje » la Bourgogne de long en large et en travers il discute avec les uns et les autres. Oh bien sûr en ces temps de télévision et d’internet, les nouvelles vont bien plus vite que lui, mais il est des informations qui ne transitent que par lui. Quelques secrets de villages et de campagnes que lui seul détient.
Le fond des choses, le fond des âmes on en parle jamais à la télé mais lui le pape des escargots il connaît tout ça.
Sûr qu’il ne serait pas contenté de lui demander ce qu’il a fait de ses promesses de campagne au Françouais, il aurait pu lui dire bien des choses en somme et sûr qu’il aurait varié le ton. 

 -- Sauf votre respect Mr le Président, aurait pu dire la Gazette, je connais la Bourgogne mieux que personne, croyez-moi, elle est comme le reste du monde, elle part en quenouille puis s’effiloche.
Voyez en ce début de lune rousse, j’étais à Mâcon et pour me ressourcer, j’ai remonté tout son vignoble puis traversé la Côte Chalonnaise puis celle de Beaune et de Nuits avant d’arriver là pour vous dire ceci :
J’en ai croisé du monde dans les vignes, faut dire que c’était la première semaine de beau temps depuis belle lurette. Tout ce monde au travail dans les vignes et dans les caves, ça m’a confirmé que le printemps arrivait. Du coup je ne me suis pas attardé bien longtemps, pas plus que le temps de causer en vidant quelques godets.

En y regardant vite fait comme ça, on dirait que tout va bien, ils n’ont pas l’air malheureux les vignerons, d’abord parce que ce n’est pas l’occupation qui manque, comprenez eux ils travaillent coûte que coûte et c’est en septembre après une année de labeur qu’ils font les comptes, avant personne ne sait ce qu’il adviendra, alors ça bosse dur et pour aider ils ont le bon vin et la convivialité et croyez-moi ça donne un peu de joie de vivre et de nos jours il y en a besoin. Mais comme dit l’autre : « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ! »

Enfin en causant un peu, on voit qu’ils ont deux trois soucis les vignerons, d’abord à Mâcon voilà que depuis deux trois ans s’est pointée une nouvelle maladie de la vigne, enfin nouvelle pour la région.

Un virus, la Flavescence dorée qu’elle s’appelle, un joli nom pour une sacrée salope qui vous ravage les vignes en rien de temps. Tout le monde s’inquiète, les vignerons, les syndicats, les techniciens, l’interprofession et finalement le préfet qui décide, bien conseillé qu’il est, de faire traiter toutes les vignes de Saône et Loire pour détruire le petit papillon, une cicadelle, qui pique les feuilles pour se nourrir et qui transmet ainsi le virus.
Alors ils vont traiter les vignerons, ils ont l’habitude, mildiou, oïdium, près d’un siècle et demi que ça dure, aux meilleures années de la prospérité phytopharmaceutique, ils ont même traité avec des désherbants, y’en a d’ailleurs qui continuent, et avec des insecticides de toutes sortes. Les vers de la grappe, les acariens, les pyrales et j’en passe ils ont tout dégommé à coup de pesticides. Seulement depuis dix, quinze ans, ils se sont rendu compte qu’à part le mildiou, l’oïdium et rarement les vers de la grappe, y’a pas besoin de traiter systématiquement, que quand ils labourent les vignes et qu’ils arrêtent les désherbants chimiques, les invasions d’insectes ravageurs diminuent et s’équilibrent sans tout bouffer !
Cela fait bientôt vingt ans que les vignerons ont fait un travail formidable pour travailler proprement.

Et là y’a un problème, ils vont faire ce que leur demande le préfet et badadoum… vingt ans de travail foutus en l’air !

 Il y l’Esca, autre maladie du bois, un champignon qui fait crever les pieds de vigne en quelques heures au début de l’été. Le produit mortel qu’ils utilisaient autrefois est aujourd’hui interdit et c’est tant mieux, moi je remarque que les plus vieilles vignes, qu’étaient pas des clones, taillées correctement: c’est bizarre mais elles crèvent pas !

Autre chose, du sud au nord, ils ont fait une pauvre récolte les vignerons de Bourgogne, moi qui n’ai pas d’âge, j’ai déjà vu ça, seulement c’était y’a longtemps, pis à l’époque, ils avaient tous une ou deux vaches, des poules et des lapins, un jardin, enfin tout pour se serrer la ceinture un moment et attendre une récolte meilleure. Et puis surtout ils devaient pas un sous au banquier. Alors que là, y va falloir payer avec des clopinettes et les banquiers ils disent que les clopinettes ça vaut rien !

 Voilà ce que la Gazette aurait pu dire au Président, puis sûrement bien d'autres choses encore, terminant son propos par un improbable prêche en latin aux escargots et aux blaireaux, aux lapins et à leurs civets se terminant à coup sûr par « in vino véritas »
Je n’ai aucune idée de ce que le président aurait bien pu lui répondre au vieux fou, qu’importe puisqu’il a disparu de toute façon avec le père Vincenot, à moins qu’il ne continue à hanter la campagne bourguignonne, en maugréant qu’on est en train de devenir fous.

Si j’avais l'occasion de le rencontrer moi, le Françouais, je lui dirait bien que tout ça c’est pas si grave, que le pire c’est ce qu’on ne vois pas venir, la vouivre aurait dit la Gazette, les forces obscures des lobbies qui nous les cassent et qui nous feront plus sûrement crever que le premier verre de vin qu’on boit chaque jour et qui nous réjouit lui ! S'il devait nous donner le cancer ou je ne sais quoi d’autre, il y a bien longtemps qu’il n’y aurait plus un vigneron sur cette terre.

Bon finalement, Mr le Président, ils sont comme tout le monde les vignerons bourguignons, ils ont leurs soucis, leurs difficultés et ils sont pas idiots, ils savent bien que c’est pas vous qui allez résoudre tous ça en un tournemain, même ceux qui ont voté pour vous, ils se sont plus bercés d’espoirs que d’illusions.

Berthomeau a raison, le lobby du vin, c'est pas grand chose. "Il est pas ben vigrot" aurait dit la Gazette.

En tout cas c’est pas une raison pour ignorer royalement les viticulteurs mon prince, car même s’ils sont pas tous des électeurs, faudrait pas pour autant les exclure des forces vives de la Bourgogne !

Ni eux ni les nombreux qui grâce à la viticulture et au vin ont du boulot ! Et pour assuré qu’il soit parce que pas délocalisable le travail de tous ces gens n'en est pas moins respectable et eux avec !

Parce que sur la route de Dijon,  y’avait bien des vestons, la belle diguedi, mais pas un vigneron la belle diguedi, la belle diguedon.

C’est pas poli d’agir de cette façon et c’est même grossier !